Le charme discret de Lucio Bukowski

La Noblesse de l’échec, a-t-on jamais vu meilleur titre d’ep ? Le résultat de la rencontre entre le talentueux MC Lucio Bukowski et le tout aussi talentueux beatmaker Mani Deïz. Tout droit sorti de l’Animalerie (ils sont PARTOUT), Bukowski nous offre une balade dans son univers de rappeur à l’ombre, entre egotrips anonymes et punchlines de haut niveau (le garçon est docteur en la matière). Les 8 titres sont gratuits ou au prix qu’on souhaite, ici, et ils ont poussé l’élégance jusqu’à proposer les instrus à la suite de ces 8 petites perles.

Et c’est bien du travail d’orfèvre qui nous est proposé. Mani Deïz sert une brochette de prod à l’ancienne, avec un sample dingue d’Archimède le clochard en guise d’intro, des accents soul et jazzy distillés ça et là et des bonnes vieilles boucles comme on les aime cuisinées avec amour sur une indémodable station mpc.

Lucio Bukowski est comme à son habitude impeccable. Cultivé sans arrogance, il trouve le moyen de nous glisser quelques références, de Villon à Carax en passant par Kurosawa et Artaud non pas pour faire le malin ou prouver quoi que ce soit par rapport au rap (on n’en est plus là j’espère) mais juste pour donner corps à ses couplets, pour enrichir le tableau de ses paysages urbains et parce que l’intertextualité est un jeu particulièrement bien adapté au rap, Bukowski l’a compris, son nom l’indique. Cet ep est un hymne aux losers magnifiques, Bukowski s’inscrit à ce panthéon, aux anonymes, aux charbonneurs abonnés à l’échec commercial mais qui y retournent quand même pour la beauté du geste.

« Longue vie aux anonymes, ils écouteront ce track dans l’bus
Je préfère la solitude à vos contacts dans l’biz
Mani, dis-leur que nous échouerons
Et avec le sourire, mon frère, te fais pas d’mouron
Ils veulent être célèbres, nous juste libres
Besoin des proches, de notre art et de quelques livres »
La Noblesse de l’échec

Le flow de Bukowski, vigoureux mais tranquille, inspire une certaine sérénité, normal pour un MC qui a « le calme et la force d’un héros d’Kurosawa ». Notons la présence de l’excellent Swift Guad (non Lyonnais, désolé pour lui) sur le titre Furor arma ministrat. Mani Deïz y livre une instru bien dans l’air du temps, mystique et guerrière, mais ne fuyez pas, beaucoup moins racoleuse que celle d’un autre lyonnais qui a réussi et qu’on ne citera pas.

Si c’est ça l’échec, souhaitons que Bukowski n’y arrive jamais.