Zëro, ou le plaisir du désordre

Survivants de la vague post rock et noise française des années 90 (avec Deity Guns, puis Bastärd), Zëro continue d’œuvrer avec régularité et liberté depuis 2006, en publiant presque tous les 2 ans un album toujours passionnant. Autour des piliers Eric Aldéa, Franck Laurino, et Ivan Chiossone, le désormais trio lyonnais (depuis l’album « San Francisco » en 2016) explore des territoires un peu moins rock, un peu plus progressifs et cinématographiques, mais toujours inouïs. Ce « Ain’t that mayhem ? » à la belle pochette sombre et chaotique dévoile une collection de 14 morceaux aux ambiances à la fois oppressantes et capiteuses. Entre le western de « Adios Texas », un « Marathon Woman » en forme de road movie, ou l’épouvante de « Fake from the start », Zëro aime jouer avec les genres, qu’ils soient filmiques ou musicaux. Les lyonnais excellent à digérer différentes esthétiques (le post rock, la musique électronique, la pop, le rock progressif, le jazz, le blues…) pour en façonner une qui leur devient propre. Ils se permettent même de revisiter le drôle de blues marécageux de Screamin Jay Hawkins « Alligator wine » dans une version hantée, presque terrifiante. 

Sont-ce ces couches électroniques chatoyantes, ces notes de guitares à la fois rugueuses et graciles, cette assise rythmique souple et solide, ou encore cette voix caméléon ? Une alchimie singulière se dégage de chaque morceau, comme un secret bien gardé, qui nous offre surtout une musique enivrante. Zëro n’en fait toujours qu’à sa tête, planant encore et toujours au-dessus de la mêlée.


Zëro : »Ain’t that mayhem ? », 2018 Ici d’ailleurs

En CD, vinyle et numérique chez Ici d’ailleurs